le Porphyre, dans l'ameublement
Le porphyre, pierre pourpre tachetée de blanc d'une extrême dureté, fut un matériau d'élection pour les Romains, qui l'utilisaient d’abord pour son caractère décoratif destiné à être intégré à l’architecture, il servait à fabriquer des colonnes ou des pavements, à créer des effets de draperie colorée dans la sculpture, à la fabrication de toutes sortes d'objets précieux. Les romains l'utilisaient aussi pour symboliser l'aspect surnaturel de la personne impériale et s'en servait comme propagande officielle de l’Empire, à travers les différents portraits et sculptures et également par les décors luxueux de certains palais impériaux.
Aigle de Suger, vase en porphyre, ailes et tête en argent doré et niellé,
milieu du XIIème siècle, musée du Louvre.
La cessation au Vème siècle de l’exploitation des carrières du seul gisement alors exploité, celui du “ Mont de pourpre ” en Egypte, l’actuel Gebel Dokhan a contraint jusqu'au début du XIXème siècle à réutiliser constamment du porphyre déjà extrait. Tous objets créés en cette matière durant cette période seront issus d’antiques, soit retaillés pour donner des œuvres nouvelles, soit réutilisés et remontés avec d’autres matières (marbre, serpentine, bronze, ...). C’est ainsi que beaucoup de ses objets ne peuvent être datés avec précision. Des roches de même aspect moucheté existent en Europe et en France, mais elles ne furent exploitées qu'a la fin du XVIIIème siècle, en Suède et en Russie.
Vase en porphyre rouge grande salle Louis XV, musée du Louvre
A la Renaissance, le porphyre fascine par le défi technique que représente sa mise en œuvre. C’est à Florence, dans le cercle du grand Duc Cosme de Médicis que s’élaborèrent de nouvelles techniques de trempe de l’acier qui en facilitait la taille. La dureté du Porphyre rend celui-ci très difficile à travailler, il fallait à l'époque pour découper un disque dans une colonne romaine plusieurs semaines, graver à la pointe un portrait en médaillon plusieurs mois.
Au XVIIème siècle, les fouilles en Italie relancent la folie du porphyre. il n’est pas de collection princière qui ne s’enorgueillisse alors de vases et de bustes à l’antique en porphyre. A travers les collections de Richelieu puis de Mazarin, l’on verra le développement en France d’un “ Grand Goût ” venu de Rome. Louis XIV grand amateur s'était constitué le plus important ensemble de porphyre au monde, en acquérant notamment la collection Borghèse.
Paire d'urnes couvertes en porphyre d'époque Louis XIV
(c) christie's
A partir de la seconde moitié du XVIIIème siècle, si le porphyre conserve encore le prestige d'un matériau antique, rare et par conséquent luxueux, la symbolique impériale et religieuse qui lui est attachée depuis des siècles s'efface peu à peu au profit d'un usage décoratif, séduisant alors les cours de l'Europe entière. On se contente de faire monter en bronze les vases du siècle précédent, mais avec le renouveau du goût pour l’Antiquité. Il participe au décor raffiné des intérieurs des amateurs éclairés, tels que le marquis de Marigny, madame du Barry ou le duc d’Aumont.
Paire de vases montés en Porphyre, vers 1790
(c) christie's
La découverte et l’exploitation de gisements de porphyre d' Älvdalen, en Suède dès 1788 donna lieu à la création de remarquables vases monte en bronze ciselés et doré. Ces objets en porphyre de formes et à usages variés furent très appréciés par le maréchal Bernadotte, roi Karl IV Johann, qui régna en Suède de 1818 à 1844. S'ils ne devenaient pas des cadeaux diplomatiques destinés aux dignitaires français, ils étaient vendus en l'état "brut" à Stockholm ou Göteborg par des commerçants à des agents spéciaux ou encore des marchand-merciers français qui les habillaient de bronzes fondus par les bronziers de la capitale.
Le porphyre faisait fureur au même moment en Russie, la présence de riches minerais près de l'Oural aidant à son effervescence. Les intérieurs de Pavlovsk et Peterhof l'attestent, aujourd'hui encore garnis d'objets en pierres dures parfois spectaculaires .