Canaletto et guardi, les deux maîtres de Venise
Le musée Jacquemard- andré présente
Canaletto - Guardi, Les deux maîtres de Venise
exposition jusqu'au 14 janvier 2013
Venise et son charme intemporel deviennent au XVIIIe siècle le sujet de prédilection de peintres appelés védutistes. Leurs vues de Venise se répandent très vite en Europe et font de la veduta, encore de nos jours, le genre le plus collectionné et l’un des plus aimés du public.
Pour la première fois en France et grâce à des prêts exceptionnels, le Musée Jacquemart-André consacre une exposition à la veduta, dont Canaletto et Guardi sont les artistes les plus connus et les plus brillants. Ce genre pictural est très peu représenté dans les collections publiques et privées françaises. L'exposition « Canaletto – Guardi, les deux maîtres de Venise » crée ainsi l’événement au Musée Jacquemart-André avec une soixantaine d'oeuvres exceptionnelles.
Commissaire générale de l’exposition, Bożena Anna Kowalczyk invite à découvrir un genre artistique né à l’aube du XVIIIe siècle et qui fut avant tout collectionné par les cours royales et les collectionneurs fortunés italiens, anglais, prussiens et autrichiens.
Canaletto (Antonio Canal, dit)
Le Grand Canal avec l’église San Geremia, le palais Labia et l’accès au Cannaregio
Londres, The Royal Collection,
© HM Queen Elizabeth II 2012
Si l’exposition offre une place maîtresse à Canaletto, figure emblématique de ce genre, en dévoilant plus de vingt-cinq œuvres remarquables du maître, issues des plus grands musées et collections, elle situe également l’artiste au sein de ce grand genre artistique de la veduta. Ses œuvres entrent en résonance avec celles de Gaspar van Wittel, Luca Carlevarijs, Michele Marieschi, Bernardo Bellotto et Francesco Guardi qui s’impose comme le dernier maître ayant réussi à immortaliser l’enchantement et l’élégance du XVIIIe siècle vénitien. L’exposition « Canaletto – Guardi, les deux maîtres de Venise » présente une vingtaine de ses toiles.
Le Musée Jacquemart-André présente également des « caprices » : de remarquables scènes d’une Venise imaginaire, peintes par Canaletto, Guardi et Bellotto. Certaines de ces toiles n’ont encore jamais été montrées dans une exposition temporaire.
Francesco Guardi
Le Canal de la Giudecca et le Zattere, Vers 1758
Madrid, Collection Carmen Thyssen-Bornemisza,
© Colección Carmen Thyssen-Bornemisza
Canaletto et Guardi, deux regards sur Venise
Guardi (1712-1793) commence à peindre au moment où Canaletto connait déjà un grand succès. Si Canaletto accorde, tout au long de sa carrière, une place toujours plus importante au travail de la perspective et à la précision quasi scientifique de la transcription du réel, Guardi va renouer avec le goût des effets atmosphériques que cultivait Canaletto à ses débuts (Canaletto, La Place Saint-Marc vers l’est, Madrid, Musée Thyssen-Bornemisza). Chacun à leur manière, Canaletto et Guardi représentent l’expression la plus aboutie de l’art de la veduta. C’est pourquoi l’exposition se propose de mettre en regard les œuvres majeures de ces deux maîtres, pour montrer les liens profonds qui les unissent, mais aussi ce qui les distingue.
Musée Jacquemart-André - Exposition... par culturespaces
Trois salles confrontent les œuvres des deux artistes, thème par thème : la Place Saint-Marc, le Grand Canal, les campi ou les canaux vénitiens. La confrontation de leurs tableaux et dessins montre une forte filiation, mais aussi de réelles différences, et cherche à pénétrer l’essence de leur interprétation personnelle.
Sensible à la maîtrise de la perspective de Canaletto et à son sens de la mise en scène, Francesco Guardi s’est, à de nombreuses reprises, inspiré des compositions de son célèbre prédécesseur. Mais il sait également y apporter de subtiles inflexions : à la recherche d’une lumière naturelle et au grand soin apporté aux détails chez Canaletto répondent sa fantaisie et sa sensibilité. Considérés comme les plus grands védutistes, Canaletto et Guardi incarnent aussi les deux grandes tendances de l’art de la veduta : d’un côté la minutie scrupuleuse et scientifique de Canaletto, de l’autre la recherche de l’émotion.
Francesco Guardi
Caprice avec un campiello vénitien
Paris, Musée Jacquemart-André - Institut de France
© Studio Sébert Photographes
Les origine de la veduta
La peinture vénitienne des veduta est un phénomène artistique et culturel qui continue aujourd’hui encore de fasciner et de surprendre. Les grands maîtres vénitiens ont oeuvré, tout au long du XVIIIe siècle, pour satisfaire la demande incessante de prestigieux commanditaires européens qui souhaitaient emporter, comme souvenirs, des représentations des monuments et des fêtes de la Sérénissime. Comme peu d’artistes italiens à cette époque, les védutistes ont su s’approprier la culture du siècle des Lumières et utiliser les découvertes scientifiques les plus récentes et les instruments optiques les plus sophistiqués. Chefs-d’oeuvre de l’art européen du XVIIIe siècle, ces vues de Venise, d’une créativité aussi moderne que poétique, sont de précieuses représentations d’une ville unique au monde.
L’exposition s’ouvre sur une présentation des grands maîtres vénitiens parmi lesquels Canaletto a fait ses débuts comme védutiste. En mettant en exergue ses liens avec ces illustres précurseurs, l’exposition montre que Canaletto s’inscrit dans une tradition picturale qui s’est développée tout au long du XVIIIe siècle.
Francesco Guardi
Le Canal de Cannaregio, avec le Palazzo Surian-Bellotto
New York, The Frick Collection,
© The Frick Collection
C’est avec Gaspar van Wittel (1652/3-1736), qui découvre Venise à la fin du XVIIe siècle, que naît le genre de la veduta. Sa contribution est essentielle et son enseignement technique, associant l’usage de la camera obscura et la réalisation méthodique de dessins préparatoires, a eu une grande influence sur les autres védutistes. Luca Carlevarijs (1663-1730) a ainsi poursuivi cette approche scientifique, en l’enrichissant de sa passion pour la représentation des figures.
Les tableaux de jeunesse de Canaletto (1697-1768) illustrent quant à eux le sens de la perspective, le style et le goût pour les figures qui distinguent déjà l’artiste au début de sa carrière. Avec sa virtuosité, Canaletto donne un souffle nouveau à la veduta, qui connaît grâce à lui un épanouissement sans précédent.Tout en travaillant, comme ses aînés, l’art de la composition et de la perspective, le jeune Canaletto accorde une place particulière à la lumière et aux effets atmosphériques, comme en témoigne L’Entrée au Grand Canal, avec Santa Maria della Salute, vers l’ouest (Musée des Beaux-arts de Grenoble).
Les caprices, une imaginaire
La vision précise et minutieuse des lieux emblématiques de la Venise du XVIIIe siècle est caractéristique de l’art de la veduta, mais les artistes se consacrent également à la réalisation de poétiques caprices, qui sont autant de vues imaginaires de la ville (Guardi, Caprice vénitien avec un portique, Paris, Musée Jacquemart-André, Institut de France).
Canaletto (Antonio Canal, dit)
Caprice avec des ruines, Vers 1742
Londres, The Royal Collection,
© HM Queen Elizabeth II 2012
Sous leurs pinceaux, Venise se métamorphose. Apparaissent des places et des rues au décor spectaculaire et fantaisiste, mais aussi de grands paysages où une végétation luxuriante se mêle aux ruines (Canaletto, Caprice avec architectures en ruine, Collection privée, Suisse). Ces compositions aux architectures réinventées dessinent un autre visage de la veduta, aussi fantasque que séduisant (Bellotto, Caprice avec un arc de triomphe sur le bord de la lagune, Asolo, Museo Civico).
Trop peu connue, cette part importante de la production des védutistes leur permet de laisser libre cours à une verve romanesque et créative. Giovanni Panini est précurseur dans le genre du caprice. Le Musée Jacquemart-André en possède un exemple remarquable dans le Salon des Musiciens.